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4 ans de vie Nippone : questions-réponses! (partie 2)

  • Lucie
  • 2 mai 2019
  • 16 min de lecture

1, 2, 3, 4 ans...

Après mûre réflexion, je vous livre enfin la suite des réponses à vos questions. Certaines d'entre elles m'ont vraiment demandé un effort de raisonnement et j'ai dû creuser mon moi intérieur pour pouvoir y répondre en toute franchise, sans trop faire de généralités et tout en relatant mon vécu et mes sentiments face à cette expérience nippone qui a clairement changé ma vie et fait évoluer ma façon de penser. Bref, j'ai grandi et je voulais vous donner une réponse d'adulte même s'il m'arrive encore de regarder le Japon avec des yeux de grand enfant.

Et si mon père lit cet article : oui papa, mon héros, tu me manques et tu es essentiel à ma vie et à mon bonheur (mon père s'inquiétait de ne pas apparaître dans l'article...).


Que conseilles-tu aux gens qui veulent venir vivre là-bas comme toi ?

Je vais essayer de répondre sans trop casser de rêves et en gardant à l’esprit que c’est une réponse personnelle, en lien avec mon vécu ici, et non une généralité. Premièrement, on ne veut pas tous venir habiter au Japon pour les mêmes raisons et je pense que le Japon est un pays qui, s’il est très agréable et merveilleux en vacances peut rapidement vous décourager quand vous y habitez. Voyager au Japon est une chose, vivre au Japon en est une autre.

Je pense que le pays de Musashi peut rapidement perdre en magie si on n’y va pas armé, avec une volonté de fer et avec un minimum de connaissances non seulement sur la culture mais surtout sur la société japonaise. Je conseillerai donc, un minimum de préparation avant de se lancer et également de se fixer des objectifs réalistes. Parler un minimum japonais est évidemment un plus. Je ne parlais que très peu japonais à mon arrivée en 2015 et je suis encore loin, très loin, de maîtriser cette langue et cela me pose encore des problèmes par exemple dans l'administration (déclaration de taxe, tout ça tout ça, merci Monsieur K) ou lors de discussion autre que le blabla quotidien. En revanche, je brille dans les bars et les restaurants!

Depuis que je vis avec mon Nippon mon niveau de compréhension a clairement augmenté c'est certain mais je suis loin de pouvoir tenir une conversation culturelle, politique ou philosophique. Je devrais étudier plus aussi donc c'est clairement ma faute et ma responsabilité. La morale de ce semi-échec est que, contrairement à ce que j'ai fait, je vous conseille une meilleure préparation linguistique! Ensuite, partir avec des économies est pour moi obligatoire. Je reviendrai sur l'aspect financier dans la question suivante...

Il va de soi qu'il faut faire preuve d’une grande ouverture d’esprit et accepter que les codes japonais ne soient pas les mêmes que les nôtres. Ne pas vouloir imposer ses codes et respecter les us et coutumes nippons me paraît être le minimum vital. Bien sûr, à l'inverse, il ne faut pas idéaliser le Japon non plus (erreur fatale!). La plupart des gens qui sont venus au Japon avec cette image de pays parfait sont vite repartis. L'amour aveugle n'amène rien de bien ici ou nulle part d'ailleurs. Le Japon se gagne si j’ose dire et cela par la patience et des nerfs solides. La chance que j’ai eue, et cela a été aussi mon parti-pris, ne pas me couper des Français. Avoir ma bulle française d’oxygène fait que j’aime encore ce pays et que je tiens pour le moment. J’aurais pu abandonner bon nombre de fois devant les difficultés et la solitude surtout la première année. Je pense que c’est plus compliqué pour une femme expatriée que pour un homme français. Bon nombre d'hommes français se marient rapidement (il y aurait tellement à dire là-dessus) et ont donc un visa d’époux pour rester dans le pays (je vous laisse vous renseigner sur le taux de divorce de ces mariages franco-japonais...) . Quand on est une femme, c’est beaucoup plus compliqué et ça passe avant tout par un visa de travail une fois l'année de Working Holiday Visa terminée.


Combien as-tu investi en terme financier et sur combien de temps avant de réussir à devenir indépendante au Japon ?

Avant de venir vivre au Japon, j’avais eu l’occasion d'y résider deux mois en 2013. J’ai compris à ce moment-là que j’aurais besoin d’un minimum de sécurité financière avant de revenir y habiter. Le prix des loyers et des frais d’agence, en particulier à Tokyo, est élevé et en tant qu'étranger il peut s'avérer difficile de trouver un logement en passant par une agence immobilière classique, il faut alors au début passer par une agence pour gaijin qui peut alors gonfler le prix de ses locations pour des appartements en général de petites surfaces. Au loyer s'ajoute le coût des déplacements, rares sont les personnes qui ont la chance de ne pas prendre le train ou le bus pour aller travailler. Par exemple, mon abonnement mensuel de la gare de mon quartier à la gare de mon lieu de travail pour un trajet d'environ 50 minutes s'élève à plus de 21000 yens soit 168 euros. Je vous laisse calculer à combien ça me revient par an cette petite blague... (plus d'un salaire). Je ne vous parle pas de voyager à travers la Japon : aller à Taiwan m'a coûté moins cher que d'aller à Hiroshima par exemple. Le shinkansen (TGV japonais) c'est la ruine assurée. Malheureusement quand on est résident étranger au Japon on n'a pas les mêmes avantages qu'un touriste étranger c'est-à-dire pas de JR pass. Mes étudiants japonais s'exaspèrent également du prix du shinkansen.

Autre fait important, la société japonaise vous pousse clairement à la consommation on ne va pas se mentir. Moi qui suis normalement pas très dépensière (je n'ai pas besoin du dernier I Phone ou du dernier sac Longchamp), il m'arrive ici de m'égarer par moment et d'acheter des trucs que je n'aurais jamais acheté en France et que mon père nomme très poliment des "conneries" (genre toute une collection de peluches et d'objets Totoro ou un sac Naruto). Je vous invite à visiter mon appartement...

Tout cela m’avait convaincue d’économiser 10 000 euros avant de poser mes valises sur le sol nippon en mars 2015. Je voulais assurer mes arrières et ne pas avoir à bosser dans une branche qui n’était pas la mienne seulement pour "survivre" au Japon. Je savais que trouver un emploi correct à temps plein de professeur de français prendrait du temps en raison de la concurrence et du peu de postes offerts. La première année, j’ai vécu en share house à Tokyo parce que je n’avais ni l’argent ni le profil pour prétendre à un appartement dans une agence immobilière japonaise classique. J’ai commencé à travailler pour une école, puis deux écoles, puis trois et quatre afin d’avoir un salaire correct pour vivre et profiter un minimum de la capitale mais sans pouvoir économiser. J’ai continué à bosser dans 3-4 écoles l’année suivante et j’ai eu la possibilité d’emménager avec une collègue de travail dans notre propre appartement grâce à la gentillesse d’un vieux propriétaire japonais qui a accepté de louer à des étrangères (il avait visité la France il y a longtemps, ça nous avait aidées). J’ai habité dans cet appartement pendant deux ans en continuant à bosser dans différentes écoles la première année avant d’avoir l’opportunité l'année suivante d’obtenir un poste à plein temps et un meilleur salaire dans l’une de mes écoles (mon école actuelle).

Je me suis donc sentie plus à l’aise financièrement et dans mon quotidien au bout de 2 ans de Japon soit en janvier 2017. Parallèlement, en 2016, j’ai rencontré mon Nippon et l’année dernière (mars 2018) nous avons décidé de vivre ensemble à Yokohama. Je vis donc depuis un peu plus d'an seulement dans mon « véritable » chez moi et avec tout le confort nécessaire pour moi, notamment des washlets (les toilettes à jet). Ne riez pas, pour moi c'était un rêve.

Mon parcours est un peu compliqué, puis ma rencontre avec Ken a un peu tout bouleversé, mais pour résumer je dirai qu’il m’a fallu un an pour avoir un salaire minimum de survie dans ma branche à Tokyo, j’ai donc en un an largement pioché dans mes économies. À​ partir de la deuxième année, ma vie est devenue de plus en plus stable jusqu’à ma situation actuelle qui me permet de vivre correctement sans cependant faire de folie. J’ai un statut d’indépendante au Japon et non de salariée, j’ai donc moins de protection et d’avantage que si je bossais dans une entreprise classique. J’ai déménagé 3 fois depuis que j’habite ici et chaque déménagement m’a coûté 4 bras et a mangé mes économies. Par exemple, pour pouvoir entrer dans mon appartement actuel, j’ai dû lâcher plus de 2000 euros et mon compagnon aussi, soit 4000 euros à deux. Je dois payer chaque année un salaire de taxes, un salaire d’assurance santé, au moins un salaire de transport… Donc financièrement ce n’est toujours pas le nirvana, mais je vis beaucoup mieux aujourd’hui.


As-tu trouvé ton moi profond ? (THE question philosophique)

Je me suis trouvée c’est certain. Je continue encore à me poser beaucoup de questions sur ma vie et comment ne pas la gaspiller. Je m'analyse énormément aussi, je réfléchis à mes actes et à leurs conséquences. Je dors très peu donc j'ai le temps de ressasser ma journée... Je le faisais déjà en France mais depuis que j'habite au Japon je le fais encore plus, peut-être parce que je suis confrontée à un environnement qui ne m'est pas naturel. Il y a des jours où je suis fière de moi et d'autres où je me mettrais des baffes, je suis en auto-analyse permanente, ce qui n'arrange pas ma qualité de sommeil. Néanmoins, je sais aujourd’hui qui je suis, qui j’aime et ce que je peux affronter seule. Je ne sais pas si je dois cela au Japon ou bien à l’expérience d’avoir tout plaqué pour me confronter à un autre monde et tester mes limites, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a une moi avant le Japon et une moi depuis le Japon. Je suis réellement tombée amoureuse de ce pays et je pense qu'il était peut-être écrit que j'y fasse ma vie un certain temps. Je sais mieux à présent de quoi je suis capable et je me sens beaucoup plus forte que je ne l’étais avant de vivre mon Japon. Le Japon a soigné certaines de mes blessures, m’a apaisée de bien des façons et m’a donné la capacité de relativiser sur des tas de sujets. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre de ce pays et à découvrir sur moi-même mais je connais beaucoup mieux mes forces et mes faiblesses et celles-ci me pèsent beaucoup moins qu’avant.


As-tu subi / ressenti du racisme au Japon ?

Le Japon n'est pas ce pays merveilleux des bisounours où tout le monde est poli et gentil. Comme partout, il y a de gros cons remplis de préjugés racistes ou de gros cons tout court. Demander aux Coréens ou aux Chinois ce qu’ils pensent du racisme au Japon (et vice-versa me direz-vous)… Je me bats constamment avec Ken contre les idées parfois formatées qu’il peut avoir. Bon là, c’est un cas un peu extrême dans lequel le poids du passé joue beaucoup. Mais des racistes et fervents nationalistes, il y en a aussi au Japon. Rappelons que les rapports du Japon avec l'étranger sont complexes et que ce pays a été fermé des siècles et des siècles avant qu'on ne le force à s'ouvrir...

Dans ma vie de tous les jours, j’ai déjà été “victime” de la maladresse ou du racisme de certains Japonais. Je ne suis pas la seule dans ce cas, de nombreux étrangers vivant au Japon ont déjà vécu des expériences similaires et les ont relatées sur Internet. Je fais la différence entre la maladresse, je veux dire la timidité, le stress ou la peur face à un étranger, et le véritable racisme. Les maladresses de certains Japonais, je m’y suis habituée et je ne me vexe plus. Le nombre de fois où l'on me sort des clichés du style "les Français, vous ne vous lavez pas n'est-ce pas?"... Nous sommes plus ici dans un contexte d'images véhiculées depuis la nuit des temps et qui ont la dent dure que dans du racisme. De même que les Français ont aussi tout un tas de préjugés sur les Japonais. Se sentir obligé de répondre aux gens que oui je me lave tous les jours et que je pense que pas mal de Français font de même, ça fait sourire ou ça énerve mais ça passe.

En revanche, les gestes ou les phrases à caractère réellement racistes me mettent toujours hors de moi et me frustrent car bien souvent je ne réponds pas pour plusieurs raisons et si vous avez suivi mes problèmes d'insomnies je passe des heures à refaire la scène dans ma tête par la suite...

Je passe une partie de ma vie dans le train (comme beaucoup de gens qui travaillent au Japon) donc c’est bien souvent là que des petits incidents se produisent. Par exemple, le train est bondé mais la place à côté de toi restera comme par hasard libre. Bon, ça reste soft. Moins sympa, les fois où je rentre dans le train et m’assoie à côté d’une personne et que cette personne change subitement de place train bondé ou pas. Au début je pensais que je sentais le roquefort mais au final c’est juste que la personne n’a pas envie d’être à côté d’une gaijin. Gaijin ce petit mot sympa que les Japonais utilisent pour parler des étrangers ou plutôt des "personnes de l’extérieur". Je ne débattrai pas du caractère péjoratif que peut avoir ce mot… Ken par exemple ne l’utilise pas du tout et le déteste car pour lui c’est un mot à connotation négative. Il m’engueule même quand moi je l’utilise pour parler de ma propre personne. Le bon mot pour étranger normalement est gaikokujin, gaijin étant une contraction de celui-ci. Ken préfère que j’utilise la nationalité d’une personne et aucun des deux mots cités ci-dessus. Bref, dans le train j’ai entendu à plusieurs reprises “gaijin urusai ne” quand je discutais calmement avec mes collègues de travail ou des amis. J'insiste sur le CALMEMENT et à voix basse. Non parce que le con de salaryman qui écarte ses jambes au possible, prend 2 places à lui tout seul ou téléphone tout son trajet lui, il n’est pas urusai (bruyant). Tout comme le groupe de jeunes mecs en sortie virile qui jouent de leur grosse voix ne sont pas non plus bruyants ou les deux vieilles mamies qui font partager à toute la rame leur discussion après t’avoir bien poussé pour rentrer dans le train avant toi.

Autre exemple, le restaurant. Pas plus tard que lundi dernier, nous entrons, Ken, deux autres Françaises et moi-même dans un restaurant de mon quartier, quand un vieux monsieur client lui-aussi dit à la patronne que des clients attendent et qu'il y a beaucoup de "gaijin-sama". Il aurait pu s'arrêter à "des clients attendent", non il a fallu qu'il rajoute que des étrangers étaient avec le pauvre et unique Japonais du groupe. Je n'en veux pas à ce petit papy, qui en plus à rajouter le"sama", suffixe poli et honorifique. Ici c'était vraiment un contexte de génération et ça m'a fait plus sourire qu'autre chose (ça n'a pas trop faire rire Ken par contre) d'autant plus que le petit papy nous a lancé un "good evening" et un "good night" dans un japonais-anglais des plus charmants. Oui, au Japon, tous les étrangers parlent anglais cela va de soi.

Plus embêtant, cela m’est arrivé qu’on nous refuse mes amis et moi dans un restaurant car nous étions étrangers. Bien sûr, le serveur (qui aura le courage de venir vous refouler) ne vous dira pas directement “on ne veut pas d'étrangers ici”, il vous dira poliment ou moins poliment “(désolé) mais c’est complet” alors que le resto est quasi vide. Soit. Ou bien vous rentrez dans un restaurant et à ce moment-là tout le personnel fuit ou fait genre d’être occupé pour ne pas être celle ou celui qui va devoir affronter les étrangers. Je peux comprendre que la peur qu’aucun de nous ne parle japonais puisse jouer dans ces cas-là. Autre cas, le serveur qui s’entête à te parler en anglais alors que tu lui parles en japonais. Il croit peut-être bien faire mais putain je ne suis pas américaine et je te parle en japonais mon gars! Maladresse ou connerie va savoir. J'ai aussi entendu comme explication le désir de pratiquer son anglais. J'ai de la peine en vérité pour ces serveurs car s'ils pensent pouvoir pratiquer leur anglais avec moi ils doivent être vraiment courageux ou inconscient... Accent baguette bonjour!

J’aime aussi beaucoup rentrer dans un bâtiment public genre poste ou administration et que là aussi les personnes fuient ton regard ou te fuient physiquement jusqu’à ce que le plus courageux d’entre eux vienne à toi. Je remercie tous ces valeureux samouraïs qui se sont sacrifiés pour l’honneur japonais en venant me parler.

Racisme ou peur des problèmes de communications, des propriétaires ont déjà refusé de nous louer un appartement parce que nous étions étrangères avec mon ex-coloc. Oui, un étranger ça fait du bruit et ça ne sort pas correctement les poubelles.

Après, directement, on ne m’a jamais dit de choses racistes ou insultée en face à face. C’était plus en mode discret pensant que je n'allais pas comprendre. Il s'agit souvent de regards insistants et parfois méprisants ou de petites expressions à base de “gaijin blablabla”. La semaine dernière un vieux con m’a fixée tout mon trajet avec un air méprisant voire effrayant de “qu’est-ce que tu fous là”. Sympa et relaxant comme trajet avant d’aller bosser! C'était le matin donc je ne pensais pas avoir un bout de salade coincée dans les dents qui méritait ce regard-là...

Ce sont donc plus de petits incidents désagréables du quotidien que de vrais chocs directs en général pour ma part. Après, j’ai la chance d’être française et ça les Japonais en général aiment bien. La France c’est la baguette, le fromage, Edith Piaf, Versailles, Marie-Antoinette et Camus! Puis, maintenant on me fixe aussi quand je suis avec Ken parce qu’en général ce sont surtout des hommes étrangers avec des Japonaises que le contraire. Il faut dire que Ken me prend la main dans la rue donc ça peut étonner plus d’une personne également.


J'ai un peu regardé Terrace House (tv réalité japonaise) pour me rendre compte de la mentalité japonaise. Et même si je m'attendais un peu à ça j'ai quand même été marquée par le respect permanent (peut-être trop pour moi, en tant que française) entre les personnes. Si j'allais là-bas je passerais pour sûr pour une impolie. Est-ce que c'est un effort quotidien pour toi de t'adapter ? Est-ce que c'est devenu naturel ? Monsieur K te reprend-il souvent à ce sujet ?

Il y aurait tant à dire sur la mentalité japonaise et cette question de respect et de politesse typiquement nippone. Je n’ai pas la prétention de pouvoir analyser la société japonaise en seulement 4 ans de vie au Pays du Soleil Levant et je ne peux témoigner que de mon ressenti et de mon expérience de résidente dans ce pays dont les codes sont si différents et peuvent être à la fois fascinants et répulsifs pour certains.

Pour moi, il y a clairement un vivre ensemble dont on devrait s’inspirer partiellement. Dans l’ensemble, et notamment quand on est de passage en tant que touriste, la société japonaise vend clairement du rêve. Ce respect plutôt général entre les personnes fait du bien et montre qu'en France nous avons malheureusement oublié certaines valeurs de la vie en communauté. Je n'ai jamais regardé Terrace House mais je pense qu'ici il s'agit d'un contexte bien particulier où six inconnus s'installent ensemble dans une maison et où tout cela est filmé. Il y a sans doute beaucoup de réalité mais aussi quelques aspects forcés dus à la caméra et à la bienséance de la télévision japonaise.

Pour le reste, dans les relations amoureuses ou amicales il y a d'énormes différences entre les rapports humains en France et les rapports humains au Japon. De ce que j'observe et vis en tant qu'enseignante et comme compagne d'un Japonais, nous sommes par moment réellement à l'opposé dans nos manières de penser, de définir ou de vivre une relation. J'ai clairement dû m'adapter d'entrée de jeu et je surveille par exemple toujours ma façon de parler alors qu'en France je suis beaucoup plus libre et moi-même tout simplement. Le japonais que j'utilise avec Ken n'est pas le même que celui que je dois utiliser avec mes élèves ou bien quand je parle à une personne dans la rue. J'ai encore beaucoup de mal avec ce changement de registre de langage. Cela me demande beaucoup d'efforts et je ne réussis pas toujours à adapter mon japonais à la situation. Cela vient aussi du fait que j'aime énormément le japonais plus naturel, familier et moins guindé que le japonais poli ou pire honorifique. Ce japonais-là est sans aucun doute très beau à entendre mais à parler c'est une autre affaire. Je dois clairement étudier plus. Après c'est le jeu, je suis au Japon c'est à moi de m'adapter et je le fais volontiers dans les situations du quotidien comme le travail ou dans les lieux publics même si c'est parfois fatigant de se comporter d'une manière qui ne vous est pas naturelle. Le self control et ne jamais dire ce que tu penses réellement ou le dire de façon détournée et enveloppée c'est un peu la base pour vivre ici. On ne dira jamais "non" directement par exemple au Japon. On sortira une jolie phrase bateau et prémâchée que tout le monde utilise pour refuser quelque chose. Vivre au Japon c'est aussi apprendre toutes ces expressions de politesse à sortir automatiquement dans n'importe quelle situation. Cela fait un peu robot mais c'est clairement l'une des réalités de la vie en communauté japonaise.

Dans mon couple, c'est une autre histoire. Ken et moi faisons sans doute encore plus de concessions et de tentatives de compréhensions qu'un couple de même culture. Par exemple, au début Ken refusait que je rencontre ses amis car au Japon, rencontrer les amis de son petit-ami ou de son conjoint ça ne se fait pas ou très rarement. Question de pudeur, de respect ou de timidité? Besoin de séparer la partie couple et la partie amicale d'une vie? Je ne connais pas vraiment la réponse et de mon point de vue c'est complètement absurde mais c'est de MON point de vue à moi, Française. Du point de vue des Japonais c'est différent. J'ai cependant réussi à rencontrer à force de persévérance et parce que ça me désespérait d'entendre parler régulièrement d'un mec qui avait l'air super et de ne pas pouvoir mettre un visage sur son nom, le meilleur ami de Ken, que nous nommeront MM. Cela a été possible car MM a sans doute accepté de me rencontrer et parce qu'il fait preuve de curiosité et d'ouverture d'esprit. Je tiens à préciser que MM est un être exceptionnel, je l'apprécie et l'admire beaucoup. Depuis, MM a rencontré ma meilleure amie à moi ici et nous sortons de temps en temps tous ensemble. Mais bon, en 3 ans de relation de couple, je ne connais qu'un seul ami de Ken alors qu'il connaît quasiment tout mon entourage et une grande partie de ma famille.

Ken et moi sommes aussi tactiles en public là où de nombreux couples japonais font au contraire preuve d'une grande pudeur. Le contact physique au Japon et en France est également très différent. Au Japon, en général, on ne se touche pas ou très peu. Je viens d'une famille du Sud de la France dans laquelle le toucher et les baisers comptent beaucoup donc que Ken n'ait pas cet aspect pudique de la relation amoureuse classique en général au Japon me ravit au plus au point car s'il avait été un Japonais lambda j'en aurais certainement souffert.

Je vais m'arrêter là pour les réponses car je vois que j'ai peut-être voulu TROP bien répondre. Désolé pour les pavés! Mais bon, qui m'aime me lira (laissez-moi rêver)...

Encore une fois merci à ceux qui ont participé à cet article, j'espère que ce fut aussi plaisant pour vous que ça ne l'a été pour moi et que mes mots ont pu apporter des réponses à vos questions. Si ça peut donner l'envie à d'autres personnes de me poser des questions, n'hésitez pas à me les envoyer sur le site ou bien sur le facebook du blog.


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